L’extraordinaire élan de solidarité manifesté par la population au lendemain des élections perd du lest. Enthousiasme émoussé ou ce n’est que partie remise ?
L’on sait qu’au lendemain des dernières élections présidentielle et législatives, tout un peuple s’est mis, brusquement, à l’heure de l’environnement, en se lançant, comme par enchantement, dans une vaste campagne de propreté qui a laissé tout le monde, les écolos en tête, bouche bée. Spontanée, n’obéissant à aucun ordre d’en haut, elle s’est caractérisée par son ampleur sans précédent, les quatre coins de la République ayant été touchés.
Ainsi, a-t-on vu des artères nettoyées, des trottoirs embellis, des poteaux électriques enjolivés et des arbres décorés. Des tonnes de déchets et de détritus ont été enlevées. Des commerçants vendant détergents, sacs en plastique et autres produits de peinture n’ont pas hésité à mettre la main à la pâte, en cédant gratis leurs marchandises au profit de centaines de volontaires, tous âges et sexes confondus qui en ont pris possession avec une joie qui en dit long sur cet extraordinaire élan de solidarité populaire massivement diffusé par les réseaux sociaux et abondamment relayé par les médias tant locaux qu’étrangers !
«Mais quelle mouche a piqué ce bon peuple ?», s’étonne un touriste français qui estime que «quelles que soient les motivations de ce mouvement fantastique, je reste persuadé que les Tunisiens sont décidément capables de tous les miracles».
Le miracle (c’en fut justement un) a donc bien eu lieu au grand bonheur du ministère de l’Environnement et des municipalités qui en ont largement tiré profit, en s’épargnant le calvaire quotidien de collecte des ordures ménagères, d’entretien et de propreté.
Les agents de propreté des communes ont pris la relève Or, cette euphorie, a-t-on constaté dernièrement, a beaucoup perdu de sa force.
«En effet, les centaines de groupes de volontaires parmi la population et les ONG ne courent plus les rues. Omniprésents et, par moments, carrément envahissants, on ne les voit presque plus, les engins et ouvriers des mairies leur ayant succédé sur la voie publique.
Pourquoi ? Nul ne sait. Est-ce l’essoufflement ? Serait-ce le retour sur terre au ronron quotidien avec son cortège de soucis engendrés par la cherté de la vie, les pénuries, le chômage, les inondations, les luttes fratricides dans l’arène politique?
«Ce qu’on a fait durant cette campagne, c’est plutôt un message clair et net adressé aux nouveaux politiciens pour leur montrer qu’il y a un peuple prêt à se couper en quatre pour que le pays se remette en marche», lance ZR, instituteur qui affirme s’enorgueillir d’avoir pris part bénévolement à cette campagne de propreté. «Si le nouveau pouvoir, avertit-il, nous suit, c’est tout un pays qui en sortira vainqueur. Le cas contraire, rebonjour les dégâts.»
Si donc la population a déclaré forfait, il n’en est heureusement pas de même pour les ONG qui ne semblent pas près de lâcher prise. Et cela, en continuant à s’illustrer, avec une détermination loin d’être émoussée comme en témoignent leurs campagnes non -stop dans quasiment toutes les régions.
Et c’est au moins ça de gagné, car cela prouve qu’il y a toujours un avocat pour défendre l’environnement. Mais, de là à dire que le formidable élan de solidarité affiché au lendemain des dernières élections refera surface, voilà un pas qu’il faut être trop prudent pour franchir.
Mohsen Zribi